L'année d'après .Page No 10.

Publié le par gilbertilo

Trois septembre deux mille quatorze,comme un écolier après deux mois de vacances je rentre .Comme un écolier j'ai soigné ma tenue ;petit blazer bleu acier ,chemise en coton léger,pantalon de lin et mocassins, d'une blancheur impeccable , lunettes noires ,sans oublier ce trait de parfum indispensable (Terre d'Hermès).On a beau être mis au ban,on en demeure pas moins élégant .Madame D C ne le soulignait-elle pas avec une étonnante spontanéité .Cette dame souvent critiquée et même moquée; un certain Georges ne l'avait -il pas affublée d'un surnom pour le moins méprisant :"la jument verte".Je la crois certes pugnace et sûrement ambitieuse ,mais jamais arrogante.J'aime les femmes qui assument dans un caractère bien trempé leur féminité.Après deux mois de grasse matinée je retrouve dans la fraîcheur matinale les quelques kilomètres de marche jubilatoire qui me menait chaque jour depuis bientôt quatre décennies jusqu'à l'Arsenal .Nom emblématique de ce complexe industriel objet de tous les fantasmes brestois ,tour à tour admiré pour la qualité du travail ,décrié pour une supposée douceur dans l'effort ou moqué pour son folklore ,honni par la classe de phagocytes désormais aux manettes .Je me souviens encore de mon arrivée aux Bâtiments en Fer .-

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Mais bon dieu petit homme qu'est-ce que tu t'imaginais?Parce que tu en avais bavé de la rancœur,que l'écume des jours t'avait carapaçonné(et peut-être handicapé) tu te croyais aguerri .Bien sûr tu avais pris des pains dans ta jolie petite gueule(souviens toi ,tu avais failli perdre un œil) mais on ne forge pas l'humain comme l'on forme le fer (tu l'appris à tes dépens).Il t'avait demandé ;"tu sais découper au chalumeau,tu sais souder?Rampillon ;il s'appelait Mr Rampillon ,mais tout le monde l'appelait "le rouquin" ."Tu commences lundi "te dit-il en te serrant la main .Contrat en poche tu te retrouvais donc fragile et sans expérience dans cet immense atelier(un des plus grands d'Europe).Ton calvaire commençait !Les nefs n'étaient pas celles des cathédrales ,empruntes d'un silence de plomb,mais agitées tel les pavillons Baltard ,grouillantes de vie et saturées d'échos rebondissants et agressifs .Sifflements des meuleuses,ronronnements des plieuses (dont la plus grande dite à "col de cygne" nécessitait un savoir faire appris sur le tas ),crépitements des chalumeaux et plus assourdissant encore ,sur la plaque le martelage des pièces formées à chaud .Cinq-cent ouvriers,techniciens et ingénieurs s'activaient à la fabrication (en réalité blocs et panneaux préfabriqués)d'éléments de coque pour assemblage au bassin de Laninon(on ne parlait pas encore de "jumboïsation ).Tu regrettais déjà sous le poids d'une hiérarchie trop lourde,trop protocolaire et souvent méprisante (que tu jugeais comme telle ,mais çà c'était avant!),d'avoir quitté le collège pour un apprentissage que tu avais espéré à tort émancipateur.Comment pourrais-tu tracer ton erre sur un océan d'incertitudes ,petite coquille de noix .

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